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Namaste,

Sentir les effluves d’Asie tout en explorant une région du globe où les sommets flirtent avec le ciel… Etes-vous prêt pour la découverte d’un pays où la terre rejoint le ciel et où le bleu de l’azur se marie à merveille avec la chaîne des Annapurna: bienvenus dans le Royaume Interdit du Mustang, au Népal … mais patience, toute arrivée aux portes d’un Royaume se mérite et nous avons donc dû endurer quelques épreuves au préalable avant d’avoir l’immense plaisir fouler ce sol autrefois « interdit »:

  • première épreuve… un bref passage à Katmandou (une ville dont la première impression est bruyante, grouillante, polluée et…crasseuse mais c’est une première impression !)
  • un brassage de 7 heures en bus « pour touristes » sur la route sinueuse qui relie Katmandou à Pokhara, deuxième ville du pays; sur le lac Phewa Tal qui borde la ville au sud-Ouest, les Doonga à rames font leur apparition en fin d’après-midi, lorsque le soleil commence à décliner, pour de petites balades sur le lac.
  • sur le tarmac de l’aéroport de Pokhara nous attend le petit avion Fokker de 18 places 🙂 un vol ou plutôt un saut de 25 minutes pour passer de 820 mètres (Pokhara) à 2800 mètres (Jomsom)… qui nous permet déjà d’admirer, le nez collé au hublot, la chaine montagneuse des Annapurnas et ses sommets mythiques dont le Nilgiri.

Au village de Kagbeni, nous récupérons nos permis de trek et nous voilà partis pour une petite mise en jambes de 5 heures: on remonte le cours de la rivière Kali Gandaki (qui prend sa source au Tibet) pour rejoindre le village de Chele… Ah, quel immense bonheur de faire partie des 2000 privilégiés autorisés à arpenter ces steppes arides balayées par le vent (un vent à décorner les dzos locaux !). Car le Mustang c’est avant tout un désert minéral, sculpté par le vent, des étendues d’une infinie diversité. Le regard se perd sur ces reliefs complexes, veinés de gris, d’ocre, et de rouge comme les falaises rouges de Dakhmar, rouges du sang du démon tué par Guru Rimpoche.

Mustang - Désert minéral

Mustang – Désert minéral

Comme dit le capitaine Haddock au début de Tintin au Tibet : « la montagne comme paysage, ça ne me dérange pas trop… mais s’obstiner à grimper des tas de cailloux, ça, ça me dépasse !… D’autant qu’il faut toujours finir par redescendre. Alors à quoi ça sert, je vous le demande…« . Mais jour après jour nous avons marché, vivant au simple rythme de nos chaussures de randonnée. Le merveilleux rythme des heureux vagabonds. Marcher en montant ou en descendant, mais rarement autrement 🙂 ! Sur le chemin, de nombreux passage de cols toujours marqués par les drapeaux de prières multicolores… Ils claquent au vent (vous savez celui qui décorne les dzos) et marquent la fin d’un effort, la promesse d’une autre vallée (sic !)… et d’une halte toujours grandement appréciée !

Dans ce climat sec, désertique et venteux la vision d’un village est toujours saisissante. Au détour d’un virage, du sommet d’un col les villages font l’effet de véritables oasis; des maisons crépies de blanc aux minuscules fenêtres encadrées de noir, des toits plats aux bords surmontés de bois empilé, des ruelles étroites, des moulins à prières comme par exemple à l’entrée du village de Ghemi… ou dans le village de Syanboche. Tourner le moulin à prières est un geste quotidien pour les bouddhistes tibétains. Selon la règle, on doit marcher dans le sens des aiguilles d’une montre, en tournant le moulin à prières dans le même sens et en répétant le mantra universel : « Om Mani Padme Hum« . Même si nos croyances sont tout à fait différentes, on ne peut que ressentir un certain envoûtement en faisant tournoyer ces objets de culte fabriqués avec, de toute évidence, une grande dévotion.

Syanboche - Moulins à prières

Syanboche – Moulins à prières

Les parcelles cultivées en terrasse se déploient tout autour du village, tel un patchwork multicolore: riz, sarrasin, blé, orge, pomme de terre; les arbres saules et peupliers bordent les canaux d’irrigation. Dans cette région la population se dédie à la culture et à l’élevage (principalement des chèvres à longs poils) dont la préoccupation principale est d’assurer sa subsistance au jour le jour. Une vie de labeur, courbé en deux dans les champs de sarrasin ou de blé. Il y si peu de temps pour assurer semis et récolte. Si peu de temps et tant de champs ! C’est toujours frappant d’observer un village du haut d’un col. Il semble si petit et si perdu au milieu des terrasses qui se déploient tout autour sur une immense superficie (regarder le village de Geling). C’est qu’il en faut des récoltes pour nourrir toute une famille ! Et en octobre justement, c’est une période de récolte: l’herbe coupée à la serpette s’amoncelle en petit tas, peu à peu le Doko se remplit; une fois plein la femme et son doko partent en direction du village… lourd chargement ! Quant au Doko ! Essayez donc d’en porter un rempli de fumier de chèvre ou d’herbe ! Les premières secondes vous semblent faciles. Vous ne sentez aucun poids sur le dos. Normal ! Toute la charge se porte sur la nuque. Et puis brusquement une douleur intense irradie votre nuque. Vous avez l’impression qu’on vous l’arrache ! Le Doko enlevé, c’est un mal de crâne qui vous suit pendant encore un certain temps. Et pourtant vous n’aurez porté le doko que… 5 secondes à tout casser ! Mais pour les charges plus lourdes, la tâche est confiée aux chevaux népalais, petits et trapus mais qui grimpent partout malgré leur (sur)charge ! Le cheval est aussi le moyen de locomotion privilégié pour les locaux (le premier mode de transport local) et parfois aussi pour les touristes – Et oui, pour notre journée de « repos » à Lo Mantang (la capitale du Mustang), nous avons testé une balade de 4 heures sur ces chevaux à taille de poney – dure journée… pour les fessiers !

Ghar Gumba

Ghar Gumba

Autre fait surprenant pour les occidentaux que nous sommes: pas le moindre petit village mustangi sans son monastère ! Un monastère généralement construit en hauteur, dominant le village, ou alors perché sur un piton rocheux, en tout cas, toujours reconnaissable de loin par ses murs enduits d’un rouge intense.Un intérieur souvent sombre, encombré de nombreuses statues de Bouddha, les murs et plafonds couverts de peintures de divinités dont nos lampes de poche peinent à éclairer les détails. Le monastère de Ghar Gompa (le plus vieux monastère bouddhiste du Népal) n’échappe pas à la règle avec ses chapelets de chortens et ses drapeaux de prières flottant au vent. Les chortens de Ghar Gompa sont si nombreux que les yeux passent de l’un à l’autre, les comptant silencieusement. 2, 5, 9, 12,15… Et quand les yeux s’arrachent et se perdent sur les falaises alentours, d’autres chortens isolés au loin dominant le monastère, tels des veilleurs… et toujours, au loin en toile de fond, la chaîne des Annapurna… une chaîne tellement majestueuse que ce soit avec des murs de prières en premier plan (et ses pierres gravées Om Mani Padme Hum) ou au coucher du soleil.

Annapurna

Annapurna

Vous aurez certainement remarqué les couleurs blanc, ocre et noir sur les chortens ou les murs de prières… le Rigsum Gonpo est partout présent au Mustang: trois traits de couleurs sur un mur (comme à Tsarang), un bas-relief ou des statues, trois chortens rouge, blanc, bleu qui veillent sur chaque entrée de village. Trois couleurs, trois ocres intimement inscrites dans le paysage minéral du Mustang. Dans les croyances villageoises héritées de l’animisme, Rigsum Gonpo protège les villages des agressions issues des trois niveaux de l’univers : les cieux avec les «Lha» dont la couleur est le blanc, la terre avec ces démons malfaisants les Tsen rouges, le monde souterrain et les sources avec les dieux serpents, les Lu ou Nagas symbolisés par le bleu ou le gris… On trouve aussi très souvent un crâne de chien, de chèvres ou un crâne de Dzo, accroché au-dessus de la porte d’entrée ou simplement posé sur un mur, comme une marque de respect de l’animal décédé mais surtout comme protection de la maison et de ses habitants en empêchant les démons du ciel et de la terre d’entrer.

Enfin pour terminer ce petit aperçu du Royaume Mustang et de ses us et coutumes, il était impossible de ne pas finir par le pûjâ, cérémonies bouddhistes célébrées par des lamas. On peut dire qu’il y a autant de type de pûjâ que de lamas mais celui auquel nous avons assisté au Monastère de Lo Mantang restera gravée dans nos mémoires: lancinante mélopée, bougies vacillantes, coups de gongs et de cymbales, la trompette qui sonne… mais à la différence de Tintin au Tibet… ce n’était pas des bonnets jaunes mais des bonnets rouges…

 

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