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Paysages lunaires, volcans aux cimes enneigées, étendues de sel, geysers bouillonnants: l’Atacama déroule ses paysages à couper le souffle au nord du Chili. Cette partie la plus septentrionale du Chili est parfois appelée « El Norte Grande » et s’étend de la frontière péruvienne jusqu’à l’embouchure du Rio Loa. Elle correspond d’un point de vue administratif à la 1ère Région. A deux heures de vol de la capitale Santiago, le désert le plus aride du monde déploie ses 100 000 kilomètres carrés de sécheresse quasi absolue… Longtemps l’avion survole un désert ocre, une terre creusée par les sillons de ruisseaux asséchés et marquée par quelques pistes de terre quasiment rectilignes. La vision serait presque infinie si le regard ne venait pas buter contre les cimes enneigées des volcans andins, culminants à 6000 mètres. Le sous-sol de cette région renferme des ressources minérales gigantesques. Cuivre, salpêtre, argent, lithium ont porté et souvent emporté, la vie de centaines de milliers de chiliens venus chercher travail et fortune au sein de cette région hostile… Soyez les bienvenus dans la ville minière de Calama, la « ville du cuivre » située aux portes du désert poussiéreux de l’Atacama. Les premiers panneaux y accueillent les touristes… Valle de la Luna, Valle de la Muerte, Réserve Nationale Los Flamencos etc. Le décor des sites naturels uniques de la région est planté ! 

L'Atacama déroule ses paysages à couper le souffle au nord du Chili où les cimes enneigées des volcans andins, culminent à plus de 6000 mètres

Les cimes enneigées des volcans andins

Juste à la sortie de Calama se trouve l’une des plus grandes mines à ciel ouvert de cuivre qui produit 36% de la production mondiale: 1500 tonnes de minerai de cuivre en sont extraites chaque jour ! La mine de Chuquicamata, exploitée par l’entreprise d’état Codelco (Corporación Nacional del Cobre de Chile) est effectivement gigantesque… Avez-vous une petite idée de ses dimensions ? Cette mine est un trou béant de 5 kilomètres de long sur 3 kilomètres de large pour 1 kilomètre de profondeur: on pourrait y caler un immeuble de six étages sans problème ! La noria de camions, qui paraissent bien petits au loin, rapporte la roche (contenant de l’oxyde de cuivre de couleur verte) depuis le fond de la mine… Ces gigantesques camions de 7 mètres de haut pour 8 mètres de long dont une roue mesure à elle seule 3.5 mètres, mettent 30 min à descendre et plus d’une heure pour remonter du fond… Et ils brûlent 3,5 litres de carburant par minute ! Hum, hum, je ne voudrais pas ouvrir un débat sur l’environnement et jeter la pierre au premier employeur de la ville de Calama mais parlons un peu du côté obscur de cette force économique. Bien que le slogan de cette entreprise soit « Orgullo de todos » (fierté de tous) et que les bienfaits économiques de l’exploitation soient plus connus que les effets négatifs, il n’en reste pas moins que l’extraction du cuivre n’est pas sans impact. Rejet de soufre, rejet d’arsenic, brassage quotidien de métaux lourds tels que le plomb, le nickel, le chrome et bien d’autres, naturellement présents dans les sols: la pollution s’étend à toute la région nord du pays. Que ce soit dans l’air, dans l’eau puis pour terminer dans le corps humain, la mine contamine absolument tout… Ce fameux dilemme économie versus écologie (autrement dit, le dilemme croissance économique versus protection de la nature) reste encore l’une des interrogations majeures pour les économistes. Je vous laisse à votre propre réflexion sur le sujet mais sachez que l’on estime pouvoir extraire du cuivre de Chuquicamata encore pendant 60 ans…

Au détour d’une ruelle dans San Pedro de Atacama, il n’est pas rare de croiser des lamas. Ils vous accueillent l'œil hautain mais néanmoins curieux

Lamas dans les rues de San Pedro de Atacama

Est-ce l’altitude ou l’immensité monotone et silencieuse qui nous entoure qui nous donne le sentiment d’être « Minuscule », telles des fourmis perdues dans la Vallée ? On roule depuis plus d’une heure dans ce désert coloré lorsque le paysage soudain se boursoufle avant de plonger dans la petite oasis de San Pedro de Atacama. Quelques arbres, un peu de verdure et des maisons en adobe couvertes d’une toiture en paille: à plus de 2400 mètres d’altitude, le village de San Pedro est la base idéale pour explorer la région. Fondé en 1450, le village ne comptait alors qu’une poignée d’habitants. Mais l’afflux d’« afuerinos » (personnes venant de l’extérieur) et le boom touristique font que le village compte aujourd’hui quelques 5000 âmes… Hôtels, restaurants, bars, agences d’excursions, boutiques de souvenirs et de spécialités andines (dont la tisane de feuilles de coca, bien utiles pour le mal d’altitude) se sont multipliés ces dix dernières années dans ses ruelles en terre battue… Sous un soleil de plomb, les touristes arpentent les rues pleines de poussière sous le regard des « rabatteurs » des agences de voyages (qui poussent comme des champignons) tandis que les nombreux chiens font la sieste (Ma qué calor !). Cependant, ce village n’a pas perdu son charme pour autant. Lorsque l’on se balade autour de la rue principale appelée « Caracoles » (« escargots » en espagnol), on peut admirer de belles maisons couleur terra cotta où flottent côte à côte les drapeaux chiliens et « Wiphala » (drapeau rectangulaire aux sept couleurs utilisées par les ethnies des Andes). Nos pas nous conduisent vers une agréable place ombragée avec une église blanchie à la chaux, construite en bois de cactus et de caroubier. Il n’est pas rare non plus de croiser des lamas au détour d’une ruelle. Ils vous accueillent l’œil hautain mais néanmoins curieux… On serait tenté de caresser leur laine épaisse que l’on imagine douce mais on a tous en tête l’image du pauvre capitaine Haddock dans « Le Temple du Soleil »: « Quand lama fâché señor, lui toujours faire ainsi… ». Et oui, ce n’est pas un mythe, le lama crache réellement lorsqu’il est agacé. S’il s’agit d’une légère contrariété, le lama postillonne à la manière d’un brumisateur. Mais lorsqu’il est franchement en colère, il envoie sur sa victime un jet verdâtre. Avis aux amateurs !

Le village de San Pedro de Atacama est dominé par les volcans de la cordillère des Andes, le plus proche étant le majestueux volcan Licancabur

Le Volcan Licancabur

Le village de San Pedro est dominé par les volcans de la cordillère des Andes, le plus proche étant le majestueux volcan Licancabur (ou Llicancahur), une montagne sacrée pour les « Lickan-Antay » (les habitants du territoire en langage kunza). Ce volcan tutoie les 6000 mètres de son cône évocateur. Où que vous vous trouviez dans les environs de San Pedro de Atacama, le volcan Licancabur vous servira de boussole ou de phare guidant les pas des voyageurs du désert ! Une légende locale raconte que les habitants de longue date peuvent se perdre dans les quelques ruelles du centre du village lorsque le Licancabur est caché par les nuages… Loin d’être le plus haut sommet des environs (culminant à seulement 5916 mètres) puisqu’il n’entre même pas dans le Panthéon des « 6000 mètres » chiliens, ce volcan « endormi » n’a à priori, pas de quoi émoustiller les foules. Et pourtant… le Licancabur est bien plus qu’un volcan « banal ». De nombreuses ruines Incas sont présentes sur ses pentes preuve que celui-ci représentait un lieu d’importance selon les croyances locales. Rien que l’origine de son nom « Lican » (peuple) et « Cabur » (volcan/montagne) témoigne de son importance pour les indiens Atacameños: la « montagne du peuple » ! Aujourd’hui encore le volcan Licancabur joue un rôle phare dans les rituels dédiés à la « Pachamama » qui visent à remercier la Terre Mère par des offrandes. De sacré à populaire, il n’y a qu’un petit pas pour l’homme… En plus d’être une célébrité locale avec tous ses produits dérivés (T-shirts, porte-clés, gravures, photos…), le Licancabur a une renommée « spatiale ». Les scientifiques y ont découvert de minuscules bactéries et micro-organisme qui parviennent à survivre dans des conditions de température et de quantité d’oxygène se rapprochant beaucoup de celles de la surface de la planète Mars. La clé de la survie sur Mars se trouve peut-être finalement ici ? Un grand pas pour l’humanité, donc ! De quoi avoir la tête dans les étoiles… Et ça tombe plutôt bien puisque grâce à la situation géographique avantageuse et en raison de la sécheresse extrême des lieux, San Pedro et ses environs sont propices à la contemplation de la voie lactée à la nuit tombée. Il suffit simplement de lever la tête pour baigner parmi les étoiles qui scintillent, non pas par centaines mais par milliards. Face à une telle ambiance digne d’« Interstellar », on se sent à la fois « Seul(s) sur Mars » et tellement « Minuscules »…

Dans la Vallée de la Lune, le sel semble saupoudré sur l’ensemble du paysage et évoque une fine pellicule de neige délicatement posée sur le sol aride

Vallée de la Lune: le sel qui semble saupoudré sur l’ensemble du paysage, évoque une fine pellicule de neige…

Changement de décor, nous quittons la planète rouge, Mars, pour la Vallée de Lune (Valle de la Luna). L’immense désert chilien d’Atacama est entaillé de profondes gorges ou « Quebradas ». Certaines vallées portent des noms évocateurs: la Vallée de la Lune, la vallée des Dinosaures (nommée ainsi à cause de ses montagnes semblables à des dos de diplodocus) ou plus inquiétants comme la Vallée de la Mort… La Cordillera de la Sal (cordillère de sel) qui borde le Salar d’Atacama au sud-ouest de San Pedro abrite entre autre la Vallée de la Lune et la Vallée de la Mort. Cette dernière porte ce nom suite à une erreur de traduction. A l’origine, l’endroit s’appelait la Vallée de Marte (Mars) qui s’est transformé en « Muerte » sans doute parce que l’aridité et la salinité sont telles qu’elles rendent toute forme de vie impossible… Son attrait particulier : une grande dune d’où l’on se lance en sandboard ! Autre lieu désertique, la Vallée de la Lune, fût déclarée sanctuaire naturel en 1982, et fait désormais partie de la Réserve Nationale Los Flamencos. Ce paysage lunaire dépourvu de faune (à l’exception du Liolaemus, une espèce de lézard), de flore, d’eau, et même de bruit (le silence qui y règne est troublant) a été modelée pendant des millénaires par l’érosion de l’eau et du vent. Le sol est formé de canyons, de crêtes acérées, de profonds ravins, de dunes grises et ocres et de cavernes obscures ce qui lui donnent une apparence surréaliste. Nous nous retrouvons à nouveau seuls et « Minuscules » dans cette immensité désertique. Le bleu profond du ciel tranche avec les teintes ocre et orangée des reliefs. Le sel qui semble saupoudré sur l’ensemble du paysage, évoque une fine pellicule de neige délicatement posée sur le sol aride.

Dans la Vallée de la Lune, El Anfiteatro est une magnifique falaise à rougeâtre et orangée aux parois quasi verticales

Vallée de la Lune: El Anfiteatro

Si vous avez l’âme d’un explorateur et que vous n’êtes pas claustrophobe, la visite de « Las cavernas de la sal » (les cavernes de sel) est une belle aventure entre canyons et grottes de sel: un peu d’escalade, quelques passages quasiment dans la pénombre complète et des cristaux de sel qui scintillent au soleil… Niché au creux des interstices, le sable enrobe parfois partiellement la roche lui donnant une allure moins acérée. En reprenant la route principale, on atteint la Duna Mayor, une majestueuse dune de sable aux pentes intactes et lisses (Et pour cause, il est formellement interdit de les gravir !). En suivant le sentier qui contourne la dune, on grimpe sur une butte d’où l’on embrase une vue sublime sur toute la vallée. On admire notamment El Anfiteatro, cette falaise à rougeâtre et orangée aux parois quasi verticales ! Enfin, le parcours découverte serait incomplet (enfin pas tant que ça finalement) sans un dernier arrêt à Las Tres Marias, des roches naturellement sculptées évoquant à certains le Christ entouré de ses trois Marie… Il est déjà l’heure d’aller assister au spectacle magique du coucher de soleil sur la vallée… Un immanquable moment où les dunes et les formations rocheuses s’empourprent… Bon allez, je vais prendre une énième photo du célèbre Licancabur avant de siroter un verre de Pisco bien mérité ! « Quoi, mais tu l’as pas déjà cette photo du volcan Licancabur ? Bah, je ne sais plus, mais je l’aime bien dans ce décor de coucher de soleil ». Allez, il est temps de rentrer dormir à San Pedro, avec des images plein les yeux et du sable plein les poches !

 

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