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Le désert d’Atacama au nord du Chili regorge de paysages exceptionnels au pied des sommets andins. Au sud de San Pedro de Atacama se trouve le Salar de l’Atacama qui s’étend sur 3000 km2, l’une des plus grandes étendues de sel du monde. Ce salar comporte des zones encore marécageuses, d’autres sèches, et toujours un mélange de sel et de terre rougeâtre en cours de séparation… L’incroyable croûte de sel et de minéraux, formée par la remontée puis l’évaporation d’une immense nappe phréatique salée offre un kaléidoscope de couleurs étonnantes… Contrairement au Salar d’Uyuni, le Salar de l’Atacama n’est ni ultra-lisse, ni ultra-blanc mais plutôt constitué de plein de cristaux et de concrétions de sel, de couleur grise. Le salar est émaillé de quelques points d’eau: les lagunes Chaxa, Barros Negros, Salada, La Punta. C’est dans ces petites lagunes que l’on peut observer les oiseaux comme le bécasseau de Baird, l’échasse à queue noire ou encore les trois espèces de flamants du Chili, qui ont donné leur nom à une réserve: la Réserve Nationale Los Flamencos. La Réserve Nationale Los Flamencos est le premier cas au Chili de cogestion d’une aire protégée par l’Etat et un peuple autochtone (les « Lickan Antai »). C’est une alliance stratégique réussie qui permet à chacun de mieux préserver l’environnement mais également de canaliser le tourisme. De quoi voir la vie en (flamant) rose ?

Le Salar de l’Atacama est émaillé de quelques points d’eau et ces lagunes offrent un kaléidoscope de couleurs étonnantes

Le Salar de l’Atacama offre un kaléidoscope de couleurs étonnantes

Un majestueux flamant, tout en rose, agite délicatement une patte et clopine d’un pas feutré dans l’eau pure de la Laguna Chaxa. Il ne veut sûrement pas troubler le silence de l’altitude, ne veut surtout pas s’immiscer entre le bleu flamboyant de l’eau où se reflètent les sommets enneigés andins, et le blanc du sel… Dans ce monde minéral, la vie retient son souffle et distribue avec parcimonie sa touche de douceur. Flamencos en espagnol, flamengos en portugais, fenicotteri en italien, flamants en français, 弗拉明戈 en chinois, tous les touristes de passage à San Pedro partent à la recherche des trois espèces de flamants qui peuplent le Salar de l’Atacama: le flamant chilien (Phoenicopterus chilensis), le flamant andin (Phoenicoparrus andinus) et le flamant de James (Phoenicoparrus jamesi) découvert par l’homme d’affaires britanique Henry Berkeley James (1846-1892). Serez-vous assez perspicaces pour découvrir Qui Et Qui sans l’aide de Marie-Ange Nardi ? Allez, je vous donne quelques indices pour ornithologue amateur… Le flamant de James, de petite taille et à l’allure délicate, a des pattes rouge brique et un bec jaune avec le bout noir. Le flamant andin avec ses pattes jaunes et le bout des ailes noir, prend à l’âge adulte une couleur très rouge sur tout le cou… Quant à son cousin, le flamant chilien, il est reconnaissable à ses pattes grisâtres aux articulations roses/rouge et à son bec à moitié noir. A noter que ce dernier est le seul flamant à parfois effectuer une « danse » en tournoyant sur lui-même et en tapotant des pattes, pour faire sortir les artemias salinas de la vase (son mets préféré !). En effet, le flamant se nourrit de minuscules éléments présents dans l’eau des lagunes, notamment les diatomées (micro-algues unicellulaires planctoniques) et les artemias salinas (espèce de crustacé vivant dans les lacs salés). Ce sont les pigments caroténoïdes présents dans les algues et les artemias qu’il consomme qui lui donne cette magnifique teinte rosée. Bien que le flamant passe un temps considérable à se nourrir, aussi bien de jour que de nuit, on a parfois la chance d’assister à la vision magique d’un envol de flamants qui s’évaporent à l’horizon en quelques coups de plumes. Et oui, le flamant est capable de voler à la vitesse de 60 km/h sur plusieurs centaines de kilomètres, ce qui lui permet dans la région de San Pedro de passer dans la même journée, du Chili à la Bolivie, en passant par l’Argentine

Dans le Salar de l'Atacama, le flamant chilien est reconnaissable à ses pattes grisâtres aux articulations roses/rouge et à son bec à moitié noir

Flamants Chiliens

Dans ce grand silence de quiétude, à deux encablures de là (à 20 kilomètres au Sud de San Pedro), se trouve la Laguna Cejar (prononcer « Cérar »). Les eaux bleues du lagon contiennent une très grande proportion de cristaux de sels, lui conférant un fort niveau de flottaison… Vous pourrez goûter à la sensation rarissime de pouvoir flotter sans effort ! Ce n’est pas pour rien que la Laguna Cejar est aussi connue sous le nom de « Lagon flottant ». Mais à cette heure encore matinale, l’eau est bien trop froide (de mon point de vue au moins !) pour essayer de se baigner et de tester la flottaison exceptionnelle de la lagune. On profite donc simplement de la vue sur la lagune où se découpent les sommets du Licancabur et de ses compères volcans, loin derrière des étendues asséchées par le sel. Si après avoir flotté, vous souhaitez plonger dans les yeux bleus du Salar, rendez-vous à Los Ojos del Salar. Ces deux bassins naturellement ronds d’un diamètre d’une vingtaine de mètres chacun sont très profonds et contiennent de l’eau douce. On ne peut résister à capturer son reflet dans le bleu de l’oeil. Etes-vous saturés non pas de sel mais de lagunes ? C’est vrai que l’on pourrait penser que cette « chasse aux lagunes » est répétitive et ennuyeuse mais ce n’est pas du tout le cas tellement les paysages sont incroyables et chaque endroit unique. Vous êtes dubitatifs ? Alors, on vous emmène à la découverte des exceptionnelles lagunes Miñiques et Miscanti. Mais avant de grimper à plus de 4200 mètres, d’altitude, reprenons quelques instants notre souffle à Tocanao, un petit village situé à 2485 mètres d’altitude qui doit sa végétation à l’eau courant dans la Quebrada de Jerez. En plein désert, une rivière d’eau douce au fond d’un petit canyon permet de cultiver un incroyable verger: vignes, pruniers, figuiers, poiriers… Autre attraction touristique du village, l’église de San Lucas datant de 1750 et classée monument national, trône au milieu de la place principale. Le clocher, séparé de l’église, représenterait Dieu le Père, protègeant l’église. Sa porte est en bois de cactus et cuir de lama ! Le destin de ce village de quelques 500 âmes est intimement lié à la mine de lithium (surnommé « l’or blanc ») à ciel ouvert exploitée depuis 20 ans par la SQM (Sociedad Química y Minera de Chile). Le village vit au rythme de la mine et ne s’anime que le soir à l’heure où les sortent les chiens errants et où s’ouvrent les portes des cantinas…

Sur l’altiplano chilien le volcan Miñiques, surplombe les lagunes Miñiques et Miscanti du haut de ses 5910 mètres

Le volcan Miñiques surplombe la Laguna Miscanti du haut de ses 5910 mètres

Mais reprenons notre activité de « chasseurs de lagunes » et dirigeons nous vers les lagunes Miñiques et Miscanti. Ces deux lagunes font partie intégrante de la Réserve Nationale los Flamencos. On accède au site par une longue route de « ripio » qui serpente entre les steppes à plus de 4000 mètres d’altitude. La route est belle, et plus l’on gagne en altitude plus l’on trouve cette végétation clairsemée, à base de « Paja Brava », ponctuée de touffes d’herbe sèche. Ici le ciel est plus pur, d’un bleu profond et les contrastes sont saisissants, entre l’azur du ciel, les roches rouges ou noires et les teintes jaunes de la végétation. La lagune Miscanti surgit soudain au bout de la route, grande étendue d’eau au milieu de l’altiplano (longue d’environ 6 kilomètres) avec le Cordón de Puntas Negras en toile de fond. Le ciel devient menaçant mais le contraste des couleurs reste toujours surprenant. Dans cet univers de rocailles et de touffes d’herbes sèches, les ovales des lagunes bleues cernées de blanc scintillent et fascinent ! Les fétuques (Festuca orthophylla), graminées bien adaptés à la haute altitude, foisonnent autour de la lagune. Quant au volcan Miñiques, il surplombe les deux lacs du haut de ses 5910 mètres. On s’approche lentement des rivages – sans pouvoir pour autant y accéder complètement car la « Tagua cornuda » (foulque cornue), un des oiseaux qui y nidifient, est une espèce protégée – pour essayer de percer les secrets d’une telle toile peinte. Serait-ce les algues qui leur donnent des reflets plus profonds, serait-ce le soleil qui les habille d’or ou ces volcans qui les enserrent de leur obscurité ? Les seules traces de vie dans le coin sont des flamants (qui se font rares), des viscaches (sorte de chinchilla) ou des vigognes (vicuñas).

Autour des lagunes Miñiques et Miscanti, les seules traces de vie dans le coin sont des foulques cornues, des viscaches ou des vigognes

Vigogne

La Laguna Miñiques est quant à elle est beaucoup plus petite, puisqu’elle fait à peine 1,7 kilomètre de long, ce qui ne nuit aucunement à son charme… Le silence en cet endroit est si intense que vous pourriez l’entendre… ou presque ! Le temps passe vite face à de tels paysages, et il est déjà l’heure de reprendre le chemin du retour vers San Pedro… Sur la route nous nous arrêtons brièvement dans le petit village de Socaire, dont l’église en pierre possède un joli toit de chaume. C’est le seul village à des kilomètres à la ronde, qui compte à peine 300 habitants. Comment peut-on pu vivre depuis tant d’années au sein du désert le plus aride du monde ? La clé de la survie est bien la gestion de l’eau. Depuis des temps immémoriaux, les habitants cultivent en terrasses, principalement du maïs et du quinoa. Un mode de culture andin que l’on voit s’étager autour du village situé à 3218 mètres d’altitude. Grâce à un système ingénieux de terrasses agricoles, ce peuple d’agriculteurs se contente de très peu d’eau pour irriguer leurs plantations et ainsi faire pousser des courges, des pois, du tabac, des pommes de terre, maïs etc.

 

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